Nouvelle version 2026 de PictoFacile : pourquoi tout change (et pourquoi c’était nécessaire)


PictoFacile est en ligne depuis plusieurs années maintenant. À l’heure où j’écris cet article, cela fait un peu plus de quatre ans que l’outil existe, et je suis encore le premier surpris par l’ampleur qu’il a prise.
Quand j’ai lancé PictoFacile en 2020, je ne pensais clairement pas que le projet toucherait autant de monde. À l’origine, c’était un outil simple, pensé pour répondre à un besoin très concret : traduire rapidement du texte en pictogrammes, sans friction, sans installation, sans complexité.
Aujourd’hui, PictoFacile rassemble plus d’un million de visiteurs chaque année. Parmi eux, des orthophonistes, des orthopédagogues, des enseignants, des éducateurs spécialisés, mais aussi des familles aidantes, des parents, des enfants, et plus largement des personnes accompagnant des proches ayant des besoins spécifiques.
Ce succès, je ne l’ai jamais vraiment anticipé. Et très vite, il a posé une question centrale : comment faire évoluer un outil gratuit, largement utilisé, mais structurellement limité ?
Un outil qui a beaucoup évolué… jusqu’à atteindre ses limites
Au fil du temps, j’ai amélioré PictoFacile autant que possible. J’ai ajouté des fonctionnalités, optimisé l’interface, simplifié les usages, amélioré la génération de PDF, facilité le téléchargement des pictogrammes, et rendu l’ensemble plus accessible.
Mais assez rapidement, je me suis heurté à un mur. Un mur technique, juridique et économique. Et ce mur a un nom : la dépendance directe à la banque de pictogrammes ARASAAC.
La dépendance à ARASAAC : un avantage au départ, un frein aujourd’hui
Au lancement de PictoFacile, s’appuyer sur ARASAAC était une évidence. Leur banque de pictogrammes est riche, ouverte, maintenue par une communauté engagée, et distribuée sous licence Creative Commons.
Concrètement, cela m’a permis d’éviter deux chantiers énormes :
- Développer une banque d’images complète, cohérente et exploitable.
- Construire et héberger une base de données de mots, d’associations, de règles linguistiques et de correspondances.
À l’époque, c’était un choix pragmatique et sain. Sans ARASAAC, PictoFacile n’aurait probablement jamais vu le jour.
Mais ce qui était un confort au début est progressivement devenu une contrainte majeure.
Des limitations structurelles impossibles à contourner
La version gratuite actuelle de PictoFacile repose entièrement sur la banque d’images et la base de données ARASAAC. Cela implique un certain nombre de limitations que je ne peux tout simplement pas lever.
D’abord, je ne peux pas modifier la banque d’images. Je ne peux pas ajouter de nouveaux pictogrammes, ni corriger ceux qui existent, ni proposer d’autres styles visuels.
Ensuite, je ne peux pas modifier la banque de mots. Je ne peux pas enrichir les associations, corriger certaines correspondances, ajouter des synonymes pertinents, ni gérer correctement les formes fléchies.
C’est notamment ce point qui explique l’absence de verbes conjugués ou de mots déclinés. La structure même de la base ARASAAC ne le permet pas.
Résultat : certains mots ne sont pas reconnus, d’autres sont mal associés, et certaines traductions manquent clairement de finesse dans des contextes un peu complexes.
Ce n’est pas un bug. C’est une limite structurelle.
Des contraintes techniques lourdes sur les performances
Un autre problème majeur concerne le fonctionnement technique du traducteur.
Dans la version basée sur ARASAAC, chaque mot nécessite un appel serveur distinct pour récupérer l’image correspondante. Cela signifie qu’une phrase de 50 mots génère 50 appels. Une phrase de 200 mots, 200 appels.
En termes de performances et de coûts, ce modèle est loin d’être idéal. Il explique notamment :
- La limitation du nombre de mots par traduction.
- Les choix techniques autour de l’affichage PDF.
- Les différences de comportement selon les navigateurs et les systèmes d’exploitation.
- Le lecteur PDF intégré en bas de page est d’ailleurs une réponse directe à ces contraintes. Ce n’est pas la solution parfaite, mais c’est la plus stable que j’ai trouvée dans ce contexte.
Et oui, selon votre navigateur ou votre système, des problèmes d’affichage peuvent survenir. Dans la majorité des cas, vider le cache suffit à régler le problème.
Le nerf de la guerre : le financement
Un autre sujet central, souvent invisible pour les utilisateurs, concerne le financement.
Aujourd’hui, la version gratuite de PictoFacile repose essentiellement sur deux leviers : ls dons et la publicité.
Les dons sont précieux, mais par nature limités. Ils nécessitent une communication constante, et beaucoup d’utilisateurs pensent encore que PictoFacile est porté par une structure importante, alors que je suis seul derrière le projet.
La publicité, quant à elle, permet de couvrir une grande partie des frais techniques. Mais elle est désagréable, fluctuante selon les périodes de l’année, et totalement incompatible avec une expérience utilisateur de qualité dans un contexte éducatif ou médico-social.
Et surtout, la licence Creative Commons d’ARASAAC empêche toute monétisation directe de fonctionnalités avancées. Impossible de proposer des comptes professionnels payants, de la sauvegarde d'images personnalisée, ou des outils avancés sans sortir de ce cadre.
Pourquoi une nouvelle version était inévitable

Face à ces constats, j’ai pris une décision structurante il y a maintenant deux ans : redévelopper PictoFacile sur des bases entièrement nouvelles.
L’objectif n’était pas de remplacer la version gratuite, ni de tourner le dos à ARASAAC. Au contraire. Il s’agissait de créer un outil complémentaire, pensé dès le départ pour un usage professionnel, évolutif, et durable.
C’est ainsi qu’est née la nouvelle version de PictoFacile, accessible sur app.pictofacile.com.
Une banque d’images entièrement nouvelle et maîtrisée
La première brique de cette nouvelle version, c’est une banque d’images propriétaire.
Elle comprend plusieurs types de visuels :
- Des illustrations proches du pictogramme, claires et lisibles.
- Des illustrations plus détaillées, permettant de mieux contextualiser certaines situations.
- Des photographies, beaucoup plus réalistes, souvent demandées pour des publics adolescents ou adultes.
Cette diversité permet d’adapter les supports selon l’âge, le contexte et les besoins spécifiques. Elle permet aussi de sortir d’une représentation trop infantilisante, souvent remontée par les professionnels.
Surtout, cette banque peut évoluer. Je peux ajouter de nouvelles images, corriger les existantes, enrichir les thématiques, et répondre aux retours terrain.
Une banque de mots repensée de fond en comble
Le deuxième pilier de la version 2026, c’est la banque de mots.
Sur le nouvel outil, les mots sont correctement mappés, avec :
- La gestion des verbes conjugués.
- La prise en compte des formes fléchies.
- Un nombre d’occurrences bien plus élevé.
Là où certaines images n’étaient associées qu’à deux ou trois mots auparavant, elles peuvent désormais l’être à beaucoup plus de variantes pertinentes.
Et surtout, cette base est vivante. Elle va continuer à s’enrichir avec le temps, en fonction des usages réels et des retours des utilisateurs.
Des fonctionnalités enfin possibles
Sortir du cadre ARASAAC permet aussi, enfin, de proposer des fonctionnalités attendues depuis longtemps.
Parmi elles :
- Des comptes utilisateurs.
- La sauvegarde de grilles de communication.
- La gestion de listes de mots personnalisées.
- L’ajout d’images personnalisées.
Il est désormais possible d’importer ses propres images, de leur associer des mots, et de les réutiliser directement dans les traductions et les grilles.
Ce point, en particulier, ouvre énormément de possibilités pour les professionnels.
Je détaillerai l’ensemble de ces fonctionnalités dans un article dédié, afin de prendre le temps de les présenter correctement.
Et la version gratuite dans tout ça ?
La version gratuite basée sur ARASAAC reste disponible, maintenue et accessible à l'adresse free.pictofacile.com. Elle continuera de jouer son rôle : permettre à tous d’accéder gratuitement à un outil simple de traduction en pictogrammes.
Mais elle ne pourra pas aller plus loin que ce que son cadre autorise.
La version 2026 de PictoFacile n’est pas un remplacement. C’est une évolution logique, pensée pour assurer la pérennité du projet, améliorer la qualité des outils, et répondre aux besoins exprimés depuis des années.
Pictofacile